Abraham Estin, médecin humaniste
 
Abraham Estin, gosse de Grodon


 

Voir Polyglottie.

Chapitre 27, p.166  Un appel de Rivtzia

« C'est au moment où le train s'arrêta dans une gare que je me sentis enfin libéré de ce passé que je traînais derrière moi depuis tant d'années. Définitivement. La pendule du quai marquait près de cinq heures. Le jour se levait. Sur la pancarte, je lus  “LIÈGE”. La boucle était bouclée. » [De Liège à Paris].

Le lendemain du choc causé par l’affaire véreuse du pavillon qu’ils ont failli acheter, Yossef reçoit une lettre de sa mère. Rivtzia explique confusément que ’Hayélé a un amant deux fois plus âgé qu’elle, divorcé, avec un fils de vingt trois ans. Yossef doit venir pour empêcher sa sœur de faire une folie.
Louba, qui a émergé de sa crise de nerfs suite à sa déception, exprime sa jalousie vis-à-vis de Bertha, confidente attitrée de Yossef, mais part acheter une valise pour le voyage sans dire son sentiment profond quant à cette décision.
Au consulat, l’avant-veille du départ, Yossef se fait voler les passeports. L’employé lui établit un passeport consulaire, valable seulement pour quelques jours, en lui recommandant de se faire faire un passeport « normal » auprès de la police polonaise. Yossef repense brusquement à sa visite au ministère de l’Intérieur trois ans plus tôt, mais n’arrive pas à se souvenir du numéro de téléphone.
Louba subit les événements sans la moindre réaction. Pourtant, dans le train, elle se rapproche de Yossef — qui lui, s’épanche un peu — et lui apprend qu’elle est enceinte. L’enfant a été conçu la veille de la signature pour le pavillon…
En retrouvant sa sœur à Varsovie, Yossef la trouve toujours aussi belle, mais profondément triste. Elle lui révèle qu’elle est à présent mariée, que son époux a été mobilisé dans la cavalerie. Non, elle ne viendra pas à Grodno avec eux, elle va repartir « chez eux », en Galicie, pour attendre son mari, Ignacy. Oui, son mari n’est autre que l’avocat qui jadis courtisait Rivtzia. Dans cette rencontre entre parenthèses à la gare de Varsovie, ’Hayélé se dévoile plus qu’elle ne l’a jamais fait vis-à-vis de son frère.
Yossef, pour sa part, n’est pas peu fier de pouvoir annoncer que Louba est enceinte, qu’elle est certaine que ce sera un fils. ’Hayélé le fixe d’un air égaré : « Pas un fils, mon Yossef ! » Mais le frère et la sœur se séparent sans que ce cri mystérieux soit explicité.
A Grodno, sur le quai de la gare, Rivtzia n’est pas là. Seule se dresse bobé Dveyré, comme dix-huit ans plus tôt au retour de ’Kharkov.


Chapitre 28, p.173   La nationalité française

« Nous avions la nationalité française ! Nous allions avoir des passeports français ! La France était notre pays ! Nous étions sauvés ! Louba murmura : “Le petit est Français.” Nous nous passions et repassions le précieux papier. »

Bobé Dveyré apprend à Yossef et Louba que Rivtzia souffre d’asthme, ou plutôt qu’elle est « malade d’amour ». Quand Yossef arrive à la maison, sa mère est en pleine crise. Il court chercher le médecin ; celui-ci a vu sa patiente dans un triste état au cours des années, mais là, il affirme qu’il lui faut changer d’air, rentrer « chez elle », à Szczuczyn. Rivtzia part le lendemain — en taxi ! — sans que Yossef ait eu de conversation avec elle. Bobé Dveyré rentre aussi chez elle, les laissant seuls dans la maison, pour quelques jours, dans l’attente de leurs passeports.
Mais le surlendemain, le 16 août, l’employé est formel : les formalités demanderont « un petit mois ». Louba traduit qu’il en faudra au minimum six. Ils envoient un long télégramme avec réponse payée. Les jours s’égrènent lentement. Grodno paraît bien petit maintenant, comparé à Paris. Quand la réponse arrive, elle est décourageante : « Faire demande de renseignements voie administrative ».
Le 23 août, alors qu’on ne parle que du pacte germano-soviétique, Yossef repense à Monsieur François-Matthieu de la V. du F. [Un héritage inattendu]. Poussé par Louba, il essaie de lui téléphoner. On lui demande de rappeler deux jours plus tard. A ce moment-là, « Monsieur de Directeur » lui fait dire « qu’il espère tout arranger ». Le 31 août arrive un télégramme, signé « Gustave », annonçant qu’ils pourront retirer leurs passeports français au consulat de Varsovie, le lundi 4 septembre.
Lorsque bobé Dveyré apprend qu’ils vont repartir, elle s’apprête à leur parler longuement, car « il commence à se faire tard ».


 










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