Abraham Estin, médecin humaniste
 
Abraham Estin, gosse de Grodon


 

Voir Polyglottie.

Chapitre 1, p.1   Les années ’Kharkov

« Le froid et la faim, les ténèbres et la peur, voilà mes premiers souvenirs d’enfance. Puis brusquement, une charge de cavalerie cosaque, sabre au clair, débouche au coin de la rue et la joie entre dans ma vie, le pain quotidien de toute la famille est assuré. »

Yossef, le narrateur, est né en 1912 à Grodno — alors  situé au nord-ouest de la Russie. Son père, Wolf, est comptable en chef de la plus grande usine de tabacs de l’Empire russe installée dans la ville. A la déclaration de la Première Guerre mondiale, le propriétaire de l’usine ayant décidé d’en transférer par précaution une partie à ’Kharkov, en Ukraine, le père de Yossef est nommé comme directeur et doit partir là-bas avec sa femme, Rivtzia, et ses deux enfants. Mais Wolf, qui milite dans le mouvement juif révolutionnaire du Bund, est arrêté par la police sur le quai de la gare, et sa famille part sans lui.

Quand éclate la Révolution de 1917, le narrateur a six ans et son seul souci est de participer à la quête de nourriture pour la famille. En prise à de grandes difficultés matérielles, la mère attend aussi anxieusement des nouvelles de Grodno, occupée par les Allemands. Elle veille pourtant à élever ses enfants scrupuleusement et le repas reste un moment empreint de solennité. Yossef éprouve une grande tendresse pour sa mère qu’il a parfois l’audace d’appeler de son prénom. Quant à ’Hayélé, de deux ans son aînée, elle a par rapport à lui le privilège d’être la gardienne du souvenir  de son père. S’il leur arrive de se jalouser l’affection de leurs parents, une grande complicité unit le frère et la sœur.

La vie de Yossef est transformée par l’arrivée à ’Kharkov des cosaques — blancs, puis rouges —, qui confient à l’enfant la tâche de soigner leurs bêtes. Ils le surnomment « l’Intrépide » et en font même leur « homme de confiance ». En échange il reçoit de la nourriture pour lui et sa famille. Sa mère, qui associe les cosaques au pogrom, au pillage et au viol n’approuve pas cette complicité.

Après le départ des cosaques, Yossef garde son rôle de palefrenier professionnel sous les occupants  successifs de la ville sans trop se poser de questions sur leur identité et leur idéologie. Si ’Hayélé défend la cause sioniste, lui ne veut pas faire de politique  car ceux qui s’en occupent sont mis en prison, comme son père, et si cela lui arrivait qui alors subviendrait aux besoins des deux femmes ?  Enfin Yossef est trop attaché à la liberté.

En 1921, la paix une fois signée entre la Pologne et la Russie, la famille peut enfin repartir à Grodno. Le voyage, dans un train de réfugiés, dure plusieurs semaines.

 










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